jeudi 8 mai 2014

LES Z'AVENTURES DE ZE VENUS - La Felouque oubliée - épisode 2


La felouque oubliée - Episode 2

Granny regardait sa petite fille Inès. Elle avait la bouche semi-ouverte, le regard concentré sur ce que sa grand-mère s’apprêtait à raconter : l’histoire de ce collier avec un pendentif en forme de felouque. Au fond de la barque fabriquée en bois d’olivier, une inscription : nhibbik (je t’aime).
-         Qui t’a écrit ça grand-mère ?
-         Ne sois pas si impatiente Inès…Ecoute.
« Ton grand-père et moi étions mariés depuis déjà quelques années ; comme tu le sais je l’ai rencontré jeune. Il était très pris par son travail et moi aussi. Nous n’avions pas encore d’enfants. De façon insidieuse, un fossé s’était creusé entre nous sans que l’on sache pourquoi. Un soir de l’été 1973, alors que je regardais un documentaire sur la pêche au poulpe à la gargoulette, je découvris l’existence des îles de Kerkennah. Il s’agissait d’un archipel au large de Sfax en Tunisie. Ces paysages m’attiraient. Ils avaient quelque chose de familier sans que j’en comprenne la raison… Tout s’éclairera par la suite. Le lendemain matin alors que ton grand-père était absent, je rassemblais quelques affaires dans une valise et me dirigeas vers l’aéroport. J’ai bien sur laissé un mot à ton grand-père… « Pardonne-moi de partir comme ça. J’ai besoin de me retrouver avant de nous perdre complètement. Ne t’inquiète pas pour moi. Je reviendrai d’ici un mois. Je te donnerai des nouvelles ».

Un voyage vers lui et moi
J’ai débarqué à Tunis. Sans hésiter, j’ai hélé un taxi et au bout de 3 h j’ai aperçu Sfax. Je me souviens de la rue Hédi-chaker ; une magnifique avenue bordée de vieux lampadaires et de palmiers abritant des salons de thé. Au bout de l’allée, le splendide hôtel de ville d’une blancheur immaculée. Le cœur de la ville était en forme de médina mais Sfax était avant tout une ville portuaire.

Arrivée au port j’embarquais dans un bac (battah). Je souriais à la vue de jeunes mariés et de leurs invités partant faire la fête du mariage à Chergui. Tout n’est qu’un éternel commencement me suis-je dit. Ce couple tunisien avait la fraîcheur de ceux qui croient qu’ils sont les premiers à vivre ces émotions là et que rien ni personne ne viendra ébranler. La mère de la mariée avait un œil attentif à sa fille. Dans son regard, on pouvait lire la fierté et l’émotion d’une mère qui perd son enfant. Nos regards se sont croisés. « Votre fille a l’air très heureuse » lui ai-je dit. Ses yeux étaient telles des mares ayant contenu trop longtemps une eau abondante. Les larmes, silencieuses, coulèrent le long de ses joues.

A la vue de l’île, mon cœur commençait à palpiter. La certitude d’avoir fait le bon choix me rendait légère.

Kerkennah, antre de mon cœur
A l’embarcadère de Sidi youssef, une foule chamarrée grouillait. Des animations et des stands avec sur les banderoles "Festival du poulpe de Kerkennah" (مهرجان الأخطبوط قرقنة’ ). Par cette manifestation, les kerkenniens célébraient leurs traditions. Le poulpe était d’ailleurs l’emblème de cet archipel ainsi que la felouque, un bateau utilisé par les pêcheurs.
-         Ah je comprends mieux ce poulpe gravé sur ton coffre à bijoux, Granny.
-         Oui ma chérie. Et ce pendentif en forme de felouque… Mais laisse-moi reprendre le fil de mon histoire Inès…
Une marchande de poissons me conseilla de prendre une chambre au Dar Kerkennah (la maison de Kerkennah) ; ce que je fis. Simple, propre et suffisamment isolé près d’une palmeraie pour être au calme. C’était juste ce qu’il me fallait. Le sac à peine posé je me sentais chez moi.

La rencontre
Je suis ensuite allée déjeuner dans un restaurant appelé "Chez Najet". Je me suis régalée de tchich bel karnit, de spaghettis aux fruits de mer, de couscous aux seiches, de tastira et pour finir de la bsissa et des figues sèches avec un thé à la menthe. Je voulais tout goûter !! Je ne me souvenais pas de  la dernière fois où j’ai eu autant de plaisir à savourer des plats.
Ensuite je suis allée sur une plage. J’ai enlevé mes chaussures et suis restée un moment les pieds dans l’eau à regarder l’horizon.
-         Bonjour. Vous me permettez de prendre une photo ? On ne verra pas votre visage rassurez vous.
Je me retournais vers cette voix au timbre si particulier et au léger accent. Et là je le vis. Il était grand, les cheveux bruns, les yeux noirs avec le regard de ceux qui voient au-delà de ce qui est montré. Autour de son cou, un appareil photo digne d’un professionnel. Il était pieds nus.
Nous sommes restés de longues minutes à nous regarder comme si nous nous retrouvions. Je le voyais pour la première fois et pourtant j’avais le sentiment de le connaître déjà. Je lisais la même chose dans ses yeux. Il regardait mes pieds nus le sourire sur les lèvres.
-         Alors ?
-         Pardon ? bredouillais-je
-         La photo. Je peux la prendre ? La lumière sera différente dans quelques minutes. Le reflet dans vos cheveux bouclés est magnifique. L'intensité de votre regard n'en sera que plus beau.
Je lui répondis d’un sourire entendu.

Sur les braises du souvenir
Granny soupira. Les souvenirs semblaient la remuer.
-         Ça va Granny ?
-         Oui ma chérie. C’est juste que j’avais cru enterrer cette partie de ma vie et me voilà à la palper de mes mots comme si c’était hier. Mes forces déclinent en cette fin de journée Inès. Reprenons tout cela demain veux tu ? Et puis ton grand-père ne va plus tarder.
Inès ne réussit pas à fermer l’œil de la nuit. Mille questions se bousculaient dans sa tête. Grand-père était il au courant ? Granny avait donc aimé un autre homme que grand-père. Toutes ses certitudes s’envolaient et en même temps Granny, par son histoire, réveillait un espoir nouveau en elle. Comme il lui tardait d’être à demain !!

La suite de "La Felouque oubliée" au prochain épisode

ZE VENUS ZB, 8 mai 2014

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