La felouque
oubliée – Episode 3
Au
vu de l’état du lit, Inès comprit que son sommeil avait du être agité. Elle
avait encore tant de questions à poser à Granny sur ce mystérieux homme dont
elle avait été si amoureuse.
Sa
grand-mère l’attendait dans la cuisine devant une tasse de thé à la menthe.
Elle lui avait préparé un petit déjeuner gargantuesque.
-
Bonjour
Inès. Après notre petit déjeuner, nous irons en bord de mer. J’ai prévu le
pique nique. Je sais que tu meurs d’impatience d’entendre la suite de mon
histoire.
-
Où
est grand-père ?
-
Dans
le jardin. Il ne viendra pas avec nous. Rassure toi il est au courant de tout
et il est presque soulagé que je te transmette ce pan de ma vie…
Inès
avala son petit-déjeuner rapidement. Elle prit le volant et au bout d’une heure
elles arrivèrent à une plage de galets. Une fois bien installées, un silence de
recueillement les enveloppa. Granny regardait loin vers l’horizon. Après une
longue inspiration, elle reprit le cours de l’histoire de la felouque oubliée.
L’instant
parfait
J’étais
donc face à cet homme qui me semblait si familier. Il me proposa de marcher le
long de la plage. Pendant des heures entières, nous nous sommes parlés. Il m’a
racontée sa jeunesse, ses amours, ses déceptions, ses fantômes du passé. Il s’appelait
Dihem. Il n’était pas ce qu’on pourrait appeler un bel homme mais il avait un
charme fou. Tout en lui me plaisait ; même ses imperfections.
Dihem
avait grandi sur cette île qu’il chérissait plus que tout. Sa famille habitait
Tunis mais elle avait gardé un pied à terre sur Kerkennah. Dihem y passait tous
ses week ends et toutes ses vacances. Il travaillait à Sfax comme manœuvre sur
le port. Lorsqu’il était sur l’île il marchait des heures le long de la mer,
les pieds nus et prenait des photos, une autre de ses passions.
Nous
nous sommes racontés nos vies comme s’il y avait urgence à tout se dire et à se
connaître davantage.
Pendant
que nous marchions, nos mains s’effleuraient malgré nous. Tout en lui m’attirait.
Tout en moi l’attirait. Une attraction contre laquelle on ne pouvait pas
lutter.
-
Je
meurs d’envie de te prendre la main, lui dis-je
-
Et
moi donc…mais ça ne se fait pas ici, répondit Dihem. Je n’arrive pas à aller
contre ce carcan de la tradition, pardonne moi.
Dihem
m’expliqua sa culture, ses traditions. Bien qu’il vivait en homme libre, il n’arrivait
pas à se défaire de certaines coutumes. Aussi il ne se promenait pas main dans
la main avec une femme.
-
Je
vais te faire découvrir nos spécialités culinaires. Tu m’en diras des
nouvelles.
-
J’ai
déjà pu profiter de plusieurs plats et j’ai tout aimé. Je veux bien en
découvrir d’autres. Leur saveur, j’en suis sure, sera meilleure en ta présence…
Le
regard complice, et toujours les pieds nus, nous arrivâmes à un restaurant sur
la plage.
Seuls au monde
Contre
toute attente, Dihem commanda une bouteille de vin d’un grand cru. Devant mon
air surpris, il éclata de rire :
-
Je
t’ai dit que je respectais certaines coutumes mais je suis un bon vivant. Une
rencontre comme la nôtre n’arrive qu’une seule fois dans une vie. Trinquons à
cet instant parfait, veux-tu ?
-
J’ai
l’impression de vivre un rêve éveillé. Je suis partie pour fuir quelqu’un et
une vie dont je ne voulais plus. Ici, je me suis trouvée…ou plutôt je nous ai
trouvés !
Je
ne sais si c’est l’alcool ou la magie du moment, mais j’étais euphorique et je
ressentais une incroyable légèreté. Il y avait quelques clients dans le
restaurant mais c’est comme si nous n’étions que tous les deux. On ne se
dévorait des yeux. Plus rien d’autre ne comptait. Juste lui et moi.
Nous
sommes retournés nous asseoir là où nous nous étions rencontrés. Il était tard.
La lune nous donnait juste un peu de luminosité. Personne autour.
Dihem
m’enlaça de ses bras et nous nous sommes embrassés avec une infinie tendresse.
-
Granny
tu pleures ? demanda Inès
-
C’est
l’émotion ma chérie. Il est des instants uniques dans une vie qui restent en
nous jusqu’à la tombe. Il faut savoir les saisir ; les vivre et ne pas les
regretter surtout ; ne l’oublie jamais.
-
Ton
histoire est tellement émouvante Granny. Vous sembliez vous aimer profondément
et pourtant aujourd’hui c’est avec grand-père que tu vis. Je n’y comprends rien
Granny ; s’il te plait continue ton histoire. J’en ai des frissons.
Granny
lui sourit et lui caressa la joue comme lorsqu’elle était petite. Dans son
regard on pouvait y lire la patience et la tolérance de ceux qui savent la
perfection des imperfections de l’existence.
La suite de « La
Felouque oubliée » dans le prochain épisode…
ZE VENUS ZB, 15 mai 2014
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