vendredi 30 mai 2014

LES Z'AVENTURES DE ZE VENUS - LA FELOUQUE OUBLIEE - Episode 6


La felouque oubliée – Episode 6

La traversée pour Sfax a été douloureuse. Dihem lui manquait déjà au point d'en avoir mal dans tout son corps. Pour autant Tassadit savait au fond d’elle-même qu’elle ne disait pas adieu à Kerkennah. Elle reviendrait ici un jour ; c’était une évidence. Elle retrouverait Dihem et poursuivrait cette belle histoire d’amour.

Sagesse et transmission

Inès regardait Granny avec étonnement et ne put s’empêcher de l’interrompre une nouvelle fois.
-         J’ai du mal à te suivre Granny. Comment pouvais tu quitter Dihem alors que de toute évidence, il était l’homme de ta vie… ?
-         Le blanc et le noir ne sont pas les seules couleurs de l’amour ma chérie. La palette de l’amour comporte des nuances et des stries. Dihem et moi étions très amoureux mais nous savions l’un et l’autre que le temps n’était pas venu pour laisser éclore et s’épanouir cet amour. Dihem savait plus que moi combien à ce moment là j’avais besoin d’un homme comme ton grand-père. J’étais fougueuse à cet âge… impétueuse et passionnée. Eric m’offrait cette tempérance nécessaire et puis son amour était un ancrage solide, stable ; comprends tu ?
-         Mais et toi l’aimais tu ?
-        Bien sûr. Crois-tu, Inès, que l’on ne puisse pas aimer plusieurs personnes dans une vie ? Je sais que tu as grandi avec ce syndrome du prince charmant mais tout de même… On aime différemment les hommes qui partagent avec nous un bout de chemin et cela est de l’amour… Il est des hommes que l’on aime toute une vie ; d’autres dont les sentiments s’éteignent en même temps que l’histoire écrite ensemble… Ne reste pas enfermée, Inès, dans un carcan de stéréotypes. Tu dois créer ton portrait de l’amour. Du moment qu’il est en accord avec ce que tu es profondément et qu’il est partagé avec ton autre, alors tu seras heureuse.

Inès regardait Granny avec admiration et fierté. Elle réalisait la chance d’avoir une grand-mère pleine de sagesse et de bénéficier de son expérience.
-         Qu’est il advenu ensuite Granny ? Quand tu as retrouvé grand-père ?
-         Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ! dit Granny en éclatant de rire.
La suite ma chérie est l’histoire de notre famille. En disant cela, Granny sortit de son sac 3 livrets blancs.
-         Tout est là Inès. L’histoire de ton grand-père et moi. Cette histoire est également la tienne et celle de tes frères et sœurs.
-         Merci Granny. Je réalise la confiance que tu me portes et j’en suis touchée. Je ne veux pas que tu meurs Granny…
-         Nous partons tous un jour Inès. Je trouvais triste de partir sans laisser aux gens que j’aime la connaissance de ce qu’a été vraiment ma vie. N’oublie pas que j’ai été heureuse Inès ; c’est le plus important. Eric et moi avons partagé de merveilleuses années.

Quand le destin s’en mêle

Granny et Inès furent interrompues dans leur discussion par un appel sur le portable de Granny.
-         Madame Bounès ?
-         Oui. Qui êtes vous ?
-         La police Madame. Votre mari a été victime d’un accident de la route. Il vous faut venir immédiatement ; c’est grave.
Granny laissa tomber le téléphone et perdit connaissance. Inès prit le téléphone et en une phrase du policier comprit que son grand-père n’était plus de ce monde.
Inès aida sa grand-mère à retrouver ses esprits. Elle l’installa dans la voiture tant bien que mal car Granny était dans un état second ; mutique et le regard vide.
Elle roula aussi vite qu’elle le put et arriva en une demi heure à l’hôpital indiqué par le policier.

Eric et Granny

Chambre 63.
Il était là dans cette pièce d’un silence et d’un froid morbides. Un simple drap blanc le recouvrait. Inès, les yeux en larmes, aida Granny à s’asseoir sur le bord du lit.
-         Laisse-moi Inès. Je…j’ai… besoin d’être seule avec lui. Sois gentille et préviens tout le monde je n’en ai pas la force.
Inès fit ce que sa grand-mère lui demanda. Elle s’installa dans la salle d’attente au bout du couloir, inspira de longues minutes pour retrouver un peu de voix puis elle contacta tous les membres de la famille un par un.

Granny tenait la main d’Eric. Comme elle était froide et rigide cette main qu’elle a tenue de longues années durant. Granny ne pouvait se résoudre à ce qu’Eric ne se réveille pas. Pourquoi maintenant ? se demandait Granny.
Elle s’allongea près d’Eric, l’enlaça tendrement et fixa le mur d’un blanc immaculé. Elle laissa défiler les souvenirs engrangés avec Eric comme un film en noir et blanc en vitesse accélérée.

La suite de La Felouque oubliée dans le prochain épisode

ZE VENUS ZB, 30 mai 2014

mardi 27 mai 2014

LES Z'AVENTURES DE ZE VENUS - LA FELOUQUE OUBLIEE - Episode 5


La felouque oubliée – Episode 5

Le silence était pesant. Tassadit et Dihem restèrent ainsi enlacés durant de longues minutes.
-         C’est ton mari n’est ce pas Tassadit ?
-         Oui… Cela fait 4 ans que nous sommes mariés et c’est la première fois qu’il me fait une telle déclaration d’amour… Je t’avoue que je suis bouleversée et mes pensées sont confuses…. Je crois que je vais avoir besoin de m’isoler un peu pour réfléchir Dihem. Je vais rejoindre mon hôtel. Retrouvons nous demain sur la plage où nous nous sommes rencontrés veux tu ?
-         Comme tu voudras. Avant de partir laisse moi t’offrir ces quelques coquelicots, je sais combien tu les aimes. Et voici deux petits cadeaux. Ne les ouvrent pas tout de suite.
Tassadit reçu ces présents avec émotion. Elle regarda intensément Dihem au point qu’il du baisser les yeux.
-         Tes yeux…ma petite caméléonne… ton regard si intense…. Et ce fluide quand tu me prends la main… c’est unique… quoi que tu décides demain, sache que nous faisons partie de ces êtres rares dont la rencontre est pour la vie….que nous soyons ensemble ou séparés… Pars sereine ma chérie. Je serai toujours là pour toi.

Le dilemme

Avant de rejoindre son hôtel, Tassadit s’installa à une terrasse d’un café face à la mer. Elle commanda un verre de vin de palme, une fabrication artisanale de Kerkennah faite avec la sève du palmier. Un remontant était nécessaire après ce choc émotionnel.
La mer était calme. Au fond d’elle, une tempête de sentiments. Quoi faire ?
Eric l’aimait de toute évidence et pour la première fois il était arrivé à le lui dire. Il semblait si décidé à ce qu’ils deviennent enfin un vrai couple. Eric est si stable et solide.

Dihem est l’homme qui l’a révélée en tant que femme. Il lui a permis de découvrir des facettes d’elle insoupçonnées. Tout comme elle, Dihem est un homme passionné, indépendant et rebelle. Quel pourrait être l’avenir avec lui ? Pourrait-elle tout abandonner pour lui ? Si loin de sa famille… Et pourtant Dihem est un homme dont elle ne se lassera jamais, elle le ressentait au plus profond d’elle-même.

Arrivée à l’hôtel, Tassadit ouvrit les paquets remis par Dihem. Il s’agissait d’une felouque miniature en bois d’olivier merveilleusement sculptée. Au fond de la barque, ce mot susurré par Dihem à son oreille : nhibbik (je t’aime). Dans un autre paquet, un petit coffre à bijoux avec un poulpe criant de réalisme.

« C’est mon homme »

La nuit fut courte pour Tassadit. Elle avala quelques figues et un peu de bsissa. Elle s’installa à une terrasse près de la plage où elle devait retrouver Dihem et commanda un thé à la menthe.

Au loin, une silhouette qu’elle reconnue entre mille. Dihem. Tassadit le dévorait des yeux avec fierté et se dit « c’est mon homme ». Dihem avait quelque chose qui fascinait homme ou femme ; il était solaire et charismatique. Tassadit en le regardant se disait que Dihem ferait toujours partie de sa vie quoi qu’il advienne. Leurs vies seraient à jamais mêlées.
-         Bonjour ma petite caméléonne. Comment te sens-tu ?
-         Bonjour Dihem ; la nuit fut courte. Pardonne-moi d’être partie ainsi. Je te dois des excuses et surtout des explications.
-         Je ne t’en veux pas. Je considère la chance de t’avoir rencontrée et la place que tu as maintenant dans ma vie. Je sais que tu ne resteras pas près de moi.
-         Pourquoi dis tu ça ? je n’ai encore rien dit.
-         Tu es une femme belle et intelligente. Tu as une fougue en toi et une rage de vivre avec passion. Ton mari, dont tu m’as peu parlé, a l’air de t’offrir une stabilité dont tu as besoin pour te tempérer. Notre amour est intense et nous dépasse tous les deux. Tu as raison de penser, je le vois dans tes yeux, que notre vie serait moins constante et stable. Nous sommes indépendants tous les deux. Ensemble ou séparés nous continuerons de nous aimer, à vie.
-         Dihem… tu lis en moi à livre ouvert. Je t’aime aussi tu le sais. Tout ce que tu dis est juste. Si je reste près de toi, ici et maintenant, à Kerkennah, je me perdrais et tu en seras malheureux. J’ai encore des choses à vivre loin de toi pour mieux te retrouver. Car tu le sais comme moi on se retrouvera….
-         Quand pars-tu ? dit Dihem d’une voix tremblante
-         Je prends le bateau cet après midi pour Sfax et un vol pour Paris dans la soirée…
Tes cadeaux Dihem sont magnifiques. Je les garderai toujours, je te le promets. Et un jour, tu me mettras toi-même ce collier avec ce pendentif en forme de felouque autour du cou.

Dihem et Tassadit passèrent les dernières heures loin du regard des autres, loin de cette réalité écrasante. Dans l’alcôve de leur amour, corps et esprits communièrent pour tisser un lien indestructible.


La suite de La Felouque oubliée dans le prochain épisode
 
ZE VENUS ZB, 27 mai 2014

jeudi 22 mai 2014

LES Z'AVENTURES DE ZE VENUS - La felouque oubliée - Episode 4


La felouque oubliée – Episode 4

Granny, après une petite sieste, reprit le cours de son histoire. Inès était impatiente d’en savoir plus sur Dihem et sa grand-mère.

Le choix d’une vie
 
« Dihem et moi savions que l’instant était décisif. Il ne s’agissait pas d’une aventure passagère. Notre vie, à partir de cette nuit là, basculerait. Dihem m’emmena jusqu’à la maison familiale. Les ruelles n’étaient pas éclairées et fort heureusement nous n’avons croisé personne. Nous avions l’air de deux gamins qui avaient peur d’être pris en flagrant délit.

Nous nous sommes installés sur le rebord du lit et nous avons échangé un regard troublant. Un silence de plomb nous enveloppa. Dihem le brisa
-         Vois-tu, Tassadit, je n’ai jamais emmené personne dans la maison de mes parents. Je me suis toujours dit que seule celle que j’aimerais d’un amour vrai pourra passer le pas de cette porte. Tu es celle là. Je le ressens au plus profond de moi.
-         Dihem, je suis touchée et je ne sais que dire. J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Je ne sais plus qui je suis ni où je suis. Tout cela est tellement beau. Je ne pensais pas avoir la chance de rencontrer un tel amour.

Ce sont les rayons du soleil à travers les persiennes qui me réveillèrent…
-         Granny, tu ne me dit pas tout là… Est-ce que ?... Enfin tu vois ce que je veux dire…
-         Inès, tu es bien curieuse, lui dit Granny. Ce qui s’est passé cette nuit là est mon jardin secret ma chérie. Je peux simplement te dire que nous avons l’un et l’autre pleuré tellement l’émotion était forte.
-         Tu as les yeux qui brillent Granny. Dihem et Tassadit… ça sonnait bien, ajouta Inès avec un clin d’œil.
-         A vrai dire, il m’appelait Caméléonne et non Tassadit ; lui répondit Granny dans un éclat de rire
-         Drôle de petit sobriquet !!
-         Il faisait référence à ma facilité à m’adapter à n’importe quel milieu et à me fondre dans la foule. Mais laisse-moi poursuivre mon récit Inès…

En me réveillant, je découvris un mot de Dihem posé sur la table « Je reviens très vite ma caméléonne adorée, avec quelques douceurs pour un réveil sucré. Ton Dihem ».
Je décidais, en l’attendant, de lire un peu. En glissant la main dans mon sac pour attraper mon livre, je sentis mon téléphone. Cela faisait 4 jours que je n’avais pas donné signe de vie à Eric. Je me devais de le rassurer.

La tempête de sentiments

En allumant mon téléphone, j’ai pu constater les nombreux appels d’Eric. Je redoutais d’écouter le répondeur. Je tremblais de nervosité. Le message remplissait la boite vocale : « Tassadit, je ne sais pas où tu es et je m’inquiète. J’ai tourné ça dans tous les sens depuis ton départ et je ne trouve pas d’explication. Tu me les donneras je l’espère à ton retour ; parce que tu reviendras n’est ce pas ? Je sais que je ne suis pas l’homme dont tu as rêvé et qui te fait rêver. Tu es une femme passionnée et amoureuse de la vie avant tout. Je sais la passion que tu aimerais trouver et que je ne te donne pas. Il faut que tu saches que je t’aime profondément, telle que tu es. Comme tu sais je n’ai pas encore réussi à briser ce carcan qui m’empêche de te livrer tous mes sentiments mais crois le ils sont bien là. Je suis perdue depuis ton départ. Au-delà du manque de toi, de ta présence, ton sourire, il y a ce manque de nous. Je suis davantage moi près de toi. Je chemine depuis que tu n’es plus là. J’ai compris certaines choses de moi, Tassadit. Je voudrais te savoir heureuse là où tu es. Tu as bien fait d’arrêter notre relation qui ne te convenait plus. Parlons-nous, ma chérie, et construisons ensemble d’autres fondations pour une relation plus épanouissante. Je suis prêt. A deux, nous bâtirons une belle histoire d’amour et dans 30 ans, nous raconterons tout ceci à nos petits enfants près de la cheminée dont tu parles tant »

Je fis tomber le téléphone tellement le message me bouleversa. Des larmes silencieuses mouillèrent mes joues. A ce moment là, Dihem entra dans la pièce. Dans une main un bouquet de coquelicots. Son regard allât de mon regard embué au téléphone à mes pieds. Il s’asseya près de moi et sans un mot me prit dans ses bras et me caressa doucement les cheveux.


La suite de La Felouque oubliée dans le prochain épisode…

ZE VENUS ZB , 22 mai 2014

jeudi 15 mai 2014

LES Z'AVENTURES DE ZE VENUS - LA FELOUQUE OUBLIEE -Episode 3


La felouque oubliée – Episode 3

Au vu de l’état du lit, Inès comprit que son sommeil avait du être agité. Elle avait encore tant de questions à poser à Granny sur ce mystérieux homme dont elle avait été si amoureuse.
Sa grand-mère l’attendait dans la cuisine devant une tasse de thé à la menthe. Elle lui avait préparé un petit déjeuner gargantuesque.
-         Bonjour Inès. Après notre petit déjeuner, nous irons en bord de mer. J’ai prévu le pique nique. Je sais que tu meurs d’impatience d’entendre la suite de mon histoire.
-         Où est grand-père ?
-         Dans le jardin. Il ne viendra pas avec nous. Rassure toi il est au courant de tout et il est presque soulagé que je te transmette ce pan de ma vie…
Inès avala son petit-déjeuner rapidement. Elle prit le volant et au bout d’une heure elles arrivèrent à une plage de galets. Une fois bien installées, un silence de recueillement les enveloppa. Granny regardait loin vers l’horizon. Après une longue inspiration, elle reprit le cours de l’histoire de la felouque oubliée.

L’instant parfait

J’étais donc face à cet homme qui me semblait si familier. Il me proposa de marcher le long de la plage. Pendant des heures entières, nous nous sommes parlés. Il m’a racontée sa jeunesse, ses amours, ses déceptions, ses fantômes du passé. Il s’appelait Dihem. Il n’était pas ce qu’on pourrait appeler un bel homme mais il avait un charme fou. Tout en lui me plaisait ; même ses imperfections.

Dihem avait grandi sur cette île qu’il chérissait plus que tout. Sa famille habitait Tunis mais elle avait gardé un pied à terre sur Kerkennah. Dihem y passait tous ses week ends et toutes ses vacances. Il travaillait à Sfax comme manœuvre sur le port. Lorsqu’il était sur l’île il marchait des heures le long de la mer, les pieds nus et prenait des photos, une autre de ses passions.

Nous nous sommes racontés nos vies comme s’il y avait urgence à tout se dire et à se connaître davantage.
Pendant que nous marchions, nos mains s’effleuraient malgré nous. Tout en lui m’attirait. Tout en moi l’attirait. Une attraction contre laquelle on ne pouvait pas lutter.
-         Je meurs d’envie de te prendre la main, lui dis-je
-         Et moi donc…mais ça ne se fait pas ici, répondit Dihem. Je n’arrive pas à aller contre ce carcan de la tradition, pardonne moi.

Dihem m’expliqua sa culture, ses traditions. Bien qu’il vivait en homme libre, il n’arrivait pas à se défaire de certaines coutumes. Aussi il ne se promenait pas main dans la main avec une femme.
-         Je vais te faire découvrir nos spécialités culinaires. Tu m’en diras des nouvelles.
-         J’ai déjà pu profiter de plusieurs plats et j’ai tout aimé. Je veux bien en découvrir d’autres. Leur saveur, j’en suis sure, sera meilleure en ta présence…
Le regard complice, et toujours les pieds nus, nous arrivâmes à un restaurant sur la plage.

Seuls au monde

Contre toute attente, Dihem commanda une bouteille de vin d’un grand cru. Devant mon air surpris, il éclata de rire :
-         Je t’ai dit que je respectais certaines coutumes mais je suis un bon vivant. Une rencontre comme la nôtre n’arrive qu’une seule fois dans une vie. Trinquons à cet instant parfait, veux-tu ?
-         J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Je suis partie pour fuir quelqu’un et une vie dont je ne voulais plus. Ici, je me suis trouvée…ou plutôt je nous ai trouvés !
Je ne sais si c’est l’alcool ou la magie du moment, mais j’étais euphorique et je ressentais une incroyable légèreté. Il y avait quelques clients dans le restaurant mais c’est comme si nous n’étions que tous les deux. On ne se dévorait des yeux. Plus rien d’autre ne comptait. Juste lui et moi.

Nous sommes retournés nous asseoir là où nous nous étions rencontrés. Il était tard. La lune nous donnait juste un peu de luminosité. Personne autour.
Dihem m’enlaça de ses bras et nous nous sommes embrassés avec une infinie tendresse.

-         Granny tu pleures ? demanda Inès
-         C’est l’émotion ma chérie. Il est des instants uniques dans une vie qui restent en nous jusqu’à la tombe. Il faut savoir les saisir ; les vivre et ne pas les regretter surtout ; ne l’oublie jamais.
-         Ton histoire est tellement émouvante Granny. Vous sembliez vous aimer profondément et pourtant aujourd’hui c’est avec grand-père que tu vis. Je n’y comprends rien Granny ; s’il te plait continue ton histoire. J’en ai des frissons.

Granny lui sourit et lui caressa la joue comme lorsqu’elle était petite. Dans son regard on pouvait y lire la patience et la tolérance de ceux qui savent la perfection des imperfections de l’existence.
 
La suite de « La Felouque oubliée » dans le prochain épisode…

ZE VENUS ZB, 15 mai 2014  

jeudi 8 mai 2014

LES Z'AVENTURES DE ZE VENUS - La Felouque oubliée - épisode 2


La felouque oubliée - Episode 2

Granny regardait sa petite fille Inès. Elle avait la bouche semi-ouverte, le regard concentré sur ce que sa grand-mère s’apprêtait à raconter : l’histoire de ce collier avec un pendentif en forme de felouque. Au fond de la barque fabriquée en bois d’olivier, une inscription : nhibbik (je t’aime).
-         Qui t’a écrit ça grand-mère ?
-         Ne sois pas si impatiente Inès…Ecoute.
« Ton grand-père et moi étions mariés depuis déjà quelques années ; comme tu le sais je l’ai rencontré jeune. Il était très pris par son travail et moi aussi. Nous n’avions pas encore d’enfants. De façon insidieuse, un fossé s’était creusé entre nous sans que l’on sache pourquoi. Un soir de l’été 1973, alors que je regardais un documentaire sur la pêche au poulpe à la gargoulette, je découvris l’existence des îles de Kerkennah. Il s’agissait d’un archipel au large de Sfax en Tunisie. Ces paysages m’attiraient. Ils avaient quelque chose de familier sans que j’en comprenne la raison… Tout s’éclairera par la suite. Le lendemain matin alors que ton grand-père était absent, je rassemblais quelques affaires dans une valise et me dirigeas vers l’aéroport. J’ai bien sur laissé un mot à ton grand-père… « Pardonne-moi de partir comme ça. J’ai besoin de me retrouver avant de nous perdre complètement. Ne t’inquiète pas pour moi. Je reviendrai d’ici un mois. Je te donnerai des nouvelles ».

Un voyage vers lui et moi
J’ai débarqué à Tunis. Sans hésiter, j’ai hélé un taxi et au bout de 3 h j’ai aperçu Sfax. Je me souviens de la rue Hédi-chaker ; une magnifique avenue bordée de vieux lampadaires et de palmiers abritant des salons de thé. Au bout de l’allée, le splendide hôtel de ville d’une blancheur immaculée. Le cœur de la ville était en forme de médina mais Sfax était avant tout une ville portuaire.

Arrivée au port j’embarquais dans un bac (battah). Je souriais à la vue de jeunes mariés et de leurs invités partant faire la fête du mariage à Chergui. Tout n’est qu’un éternel commencement me suis-je dit. Ce couple tunisien avait la fraîcheur de ceux qui croient qu’ils sont les premiers à vivre ces émotions là et que rien ni personne ne viendra ébranler. La mère de la mariée avait un œil attentif à sa fille. Dans son regard, on pouvait lire la fierté et l’émotion d’une mère qui perd son enfant. Nos regards se sont croisés. « Votre fille a l’air très heureuse » lui ai-je dit. Ses yeux étaient telles des mares ayant contenu trop longtemps une eau abondante. Les larmes, silencieuses, coulèrent le long de ses joues.

A la vue de l’île, mon cœur commençait à palpiter. La certitude d’avoir fait le bon choix me rendait légère.

Kerkennah, antre de mon cœur
A l’embarcadère de Sidi youssef, une foule chamarrée grouillait. Des animations et des stands avec sur les banderoles "Festival du poulpe de Kerkennah" (مهرجان الأخطبوط قرقنة’ ). Par cette manifestation, les kerkenniens célébraient leurs traditions. Le poulpe était d’ailleurs l’emblème de cet archipel ainsi que la felouque, un bateau utilisé par les pêcheurs.
-         Ah je comprends mieux ce poulpe gravé sur ton coffre à bijoux, Granny.
-         Oui ma chérie. Et ce pendentif en forme de felouque… Mais laisse-moi reprendre le fil de mon histoire Inès…
Une marchande de poissons me conseilla de prendre une chambre au Dar Kerkennah (la maison de Kerkennah) ; ce que je fis. Simple, propre et suffisamment isolé près d’une palmeraie pour être au calme. C’était juste ce qu’il me fallait. Le sac à peine posé je me sentais chez moi.

La rencontre
Je suis ensuite allée déjeuner dans un restaurant appelé "Chez Najet". Je me suis régalée de tchich bel karnit, de spaghettis aux fruits de mer, de couscous aux seiches, de tastira et pour finir de la bsissa et des figues sèches avec un thé à la menthe. Je voulais tout goûter !! Je ne me souvenais pas de  la dernière fois où j’ai eu autant de plaisir à savourer des plats.
Ensuite je suis allée sur une plage. J’ai enlevé mes chaussures et suis restée un moment les pieds dans l’eau à regarder l’horizon.
-         Bonjour. Vous me permettez de prendre une photo ? On ne verra pas votre visage rassurez vous.
Je me retournais vers cette voix au timbre si particulier et au léger accent. Et là je le vis. Il était grand, les cheveux bruns, les yeux noirs avec le regard de ceux qui voient au-delà de ce qui est montré. Autour de son cou, un appareil photo digne d’un professionnel. Il était pieds nus.
Nous sommes restés de longues minutes à nous regarder comme si nous nous retrouvions. Je le voyais pour la première fois et pourtant j’avais le sentiment de le connaître déjà. Je lisais la même chose dans ses yeux. Il regardait mes pieds nus le sourire sur les lèvres.
-         Alors ?
-         Pardon ? bredouillais-je
-         La photo. Je peux la prendre ? La lumière sera différente dans quelques minutes. Le reflet dans vos cheveux bouclés est magnifique. L'intensité de votre regard n'en sera que plus beau.
Je lui répondis d’un sourire entendu.

Sur les braises du souvenir
Granny soupira. Les souvenirs semblaient la remuer.
-         Ça va Granny ?
-         Oui ma chérie. C’est juste que j’avais cru enterrer cette partie de ma vie et me voilà à la palper de mes mots comme si c’était hier. Mes forces déclinent en cette fin de journée Inès. Reprenons tout cela demain veux tu ? Et puis ton grand-père ne va plus tarder.
Inès ne réussit pas à fermer l’œil de la nuit. Mille questions se bousculaient dans sa tête. Grand-père était il au courant ? Granny avait donc aimé un autre homme que grand-père. Toutes ses certitudes s’envolaient et en même temps Granny, par son histoire, réveillait un espoir nouveau en elle. Comme il lui tardait d’être à demain !!

La suite de "La Felouque oubliée" au prochain épisode

ZE VENUS ZB, 8 mai 2014

jeudi 1 mai 2014

LA FELOUQUE OUBLIEE...

     


La felouque oubliée - Episode 1

 
L’orée de la vie

Granny était étendue sur son lit les yeux rivés sur le soleil déclinant. Voilà 6 mois que le verdict était tombé telle une guillotine acérée. Il ne lui restait que quelques semaines à vivre. Elle sentit la pression de la main de son époux sur ses doigts. Eric sommeillait à ses côtés. Il ne voulait plus la quitter d’une semelle depuis ces résultats d’examens. Granny le sermonnait et tentait de le rassurer mais il voulait profiter des derniers instants disait-il et ne pas perdre une miette de ces derniers moments à deux.

Inès

Il fallait maintenant se lever car Inès leur petite fille allait arriver. De tous leurs petits enfants, c’est elle qui venait le plus souvent et toujours avec le sourire aux lèvres. C’est également Inès qui avait trouvé ce surnom de Granny, car sa grand-mère adorait ces pommes. Elle venait passer quelques jours avec eux.
Granny se souvenait de la petite fille espiègle et vive et s'émerveillait de la belle jeune femme douce et forte à la fois qu’elle était devenue.
« Bonjour Granny ; encore en train de roupiller ? ». Le simple son de la voix de sa petite fille redonna de l’énergie à Granny.
Une fois installée dans la chambre autrefois occupée par son père, deuxième fils de Granny, les deux femmes prirent place à table. Eric a voulu cuisiner pour les deux femmes de la maison. Au menu, le plat préféré de sa femme : des poivrons et tomates grillés avec un filet d’huile d’olive et son dessert préféré : quelques morceaux de pastèque.
« Tu me gâtes mon chéri », lui dit Granny en lui faisant un clin d’œil. Inès s’amusait de voir ses grands parents aussi complices après autant d’années. Elle enviait cette belle complicité heureuse et cette tendresse l’un pour l’autre. La connaîtrait-elle un jour à son tour ?...
Au cours du dîner, on éluda tout ce qui avait trait à cette issue redoutée de tous pour Granny. L’heure n’était pas aux larmes. Eric laissa ensuite les deux femmes pour faire son immuable promenade digestive.

Le coffre des souvenirs oubliés

Granny voulait offrir un cadeau de son coffre aux souvenirs à Inès. « Il va falloir le dépoussiérer…cela fait tant d’années qu’il est au grenier » dit Granny.
Elle ouvrit non sans difficulté le coffre en bois d’olivier sculpté.
Inès exultait de partager les secrets de sa grand-mère. Granny la laissa fouiller parmi ce bric à brac. Les yeux d’Inès s’ouvrirent d’étonnement à la vue d’un coffre à bijoux dont la serrure avait la forme d’un poulpe. « Qu’est ce donc Granny que cette boîte originale ? ». Granny répondit que c’était une simple boîte vide, sans doute souvenir d’un voyage avec Eric. Mais lorsqu’Inès sortit de ce coffre un collier avec un pendentif en forme de felouque, Granny devint blême. Au fond de la barque, une inscription : nhibbik ("je t'aime"). Des années qu’elle n’avait pas vu ce collier. Elle l’avait donc gardé…
Inès connaissait bien sa grand-mère et comprit que ce bijou n’était pas un simple collier. « C’est grand-père qui te l’a offert ? » demanda Inès, tout en redoutant la réponse.
« Non ma chérie… » répondit Granny d’une voix tremblante.
Le regard insistant et perçant de sa petite fille lui donnèrent envie de se confier. A quoi bon partir avec ce secret dans la tombe ? Plutôt que de lui offrir un des souvenirs de voyage oubliés dans ce coffre, pourquoi ne pas lui faire don de cette magnifique histoire.
« Très bien ma chérie ; écoute moi bien ; je vais te raconter l’histoire de cette felouque oubliée … ».

La suite de "La Felouque oubliée" au prochain épisode...

ZE VENUS ZB, 1er mai 2014