dimanche 6 octobre 2013

LE BILLET D'HUMEUR DE ZE VENUS - LES NAUFRAGES DE LA VIE


Naufragés de la vie

Des jours et des nuits à friser la famine
Des hivers transis de froid dans notre hameau
Les étés à quémander la moindre goutte d’eau
Et cette lutte permanente contre la vermine

Le pourquoi dans les yeux de mes enfants
A été je crois le paroxysme de l’insupportable
Il me fallait agir contre cette faim intolérable
Et éloigner de nous cet avenir morbide latent

Leur père avait rejoint l’au-delà il y a plusieurs lunes
Dans une guérilla dont je cherche encore la raison
Père et époux, hommage à lui dans une ultime oraison
Pour sauver nos quatre enfants je devais quitter ces dunes

Des milliers de nafka au passeur pour atteindre Misrata
L’espoir d’atteindre cette île sublimée de Lampedusa
Nous fit supporter la faim qui tenaillait nos entrailles
La peur rendait nos regards figés et opprimait nos poitrails

Arrivés au port de Zuwara les doutes me firent hésiter
Mais comment, devant cet infime espoir, décider de reculer ?
L’étendue de la mer paraissait si vaste, les vagues imposantes
Notre embarcation, petit bateau de pêche, semblait si défaillante

Assis les uns contre les autres, nous luttions contre la peur
Des heures et des heures enfermés dans ce monde de torpeur
Seuls les pleurs des enfants brisaient ce silence assourdissant
Et les prières ça et là des hommes et femmes psalmodiant

L’état de la mer devenait de plus en plus menaçant
Le visage du passeur reflétait le danger imminent
J’enlaçais mes quatre enfants dans une étreinte ultime
Et leur demanda pardon avant de rejoindre l'abîme


NDLR : Comme moi vous avez entendu parler de ce drame des naufragés au large de l’île de Lampedusa. Comment rester indifférents devant ces tragédies humaines ? Des centaines d’hommes et de femmes ont décidé un jour de quitter l’Erythrée pour fuir la famine et offrir un autre avenir à leurs enfants. De notre regard d’occidentaux, cela nous parait suicidaire…et on a vite fait de les juger en se disant qu’ils ont conduit leurs enfants à la mort… Mais imaginez que vos enfants crient famine tous les jours ; qu’ils vous supplient de leur donner un peu d’eau ; que vous les entendiez hurler la nuit de douleur ; que vous voyiez leurs visages se creuser et leur squelette devenir apparent ?

Et vous, qu’auriez vous fait ?....

ZE VENUS ZB, 6 octobre 2013

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